La communication entre les humains aurait été très difficile ou impossible sans le recours à la mémoire (discursive ou interdiscursive). Les souvenirs que nous partageons nous permettent de nous comprendre.
Compétences linguistiques et connaissances socio-historiques
Le savoir linguistique en fait partie, bien évidemment. Il permet la communication efficace. C'est la raison pour laquelle certains opposants à la colonisation française en Afrique trouvent quelque chose de positif à ce système de domination. Le recours à la langue française aurait permis de minimiser les tensions ethniques. Kateb Yacine disait qu'il s'agit d'un butin de guerre.
Les connaissances référentielles et socio-historiques permettent de ne pas devoir réexpliquer chaque mot ou chaque événement auquel on fait référence dans ses propos. Très souvent, il nous suffit d'évoquer un fait pour que les gens se rappellent du passé, et récupèrent tout le savoir partagé pour le remobiliser, et mieux comprendre le thème et les implications du présent propos .
Les enjeux de l'implicite
Le recours à l'implicite, au présupposé ou au sous-entendu peut avoir un avantage notamment juridique. Bien souvent, en communication publique, certains propos portés contre un adversaire (politique) peuvent faire l'objet de poursuites dès l'instant qu'une accusation ou une diffamation à été formellement émise. Par contre, en se servant du souvenir d'un acte qui n'est plus actuel, il est possible de faire comprendre une chose sans l'affirmer, et couper l'herbe sous le pied de la personne visée qui ne pourrait porter bien loin ces accusations.
Il est possible de tirer profit du capital symbolique de certains événements. Souvenez-vous du Général Charles de Gaulle avec son fameux Vive le Québec libre (même s'il a quand même été déclaré persona non grata pour cela) ou à toutes les lettres ouvertes qui portent l'argument d'amplification "J'accuse" de Zola .....
La mémoire discursive a donc bien des avantages. L'inconvénient est le fait que l'auditoire puisse manquer de culture générale pour comprendre l'allusion faite par un locuteur. Dans une communication publique, les instances en jeu ne peuvent manquer de ressources pour interpréter ces références interdiscursives. Par contre, dans une communication plus informelle, la question se pose.
La publicité et l'analogie
Prenons l'exemple de MADD Canada. Il s'agit d'une association qui lutte contre les accidents, incluant la mort de jeunes ou d'adolescents. Le sigle est bien évocateur et simple à deviner. En anglais madd, (Mères Contre la Conduite sous l'effet de la Boisson) réfère bien sûr à la colère des mères éplorées.
Une de ses publicités présente des bougies dont la lumière s’éteint avec le vent. La bougie renvoie, texte à l'appui, aux anniversaires manqués par ces jeunes fauchés à la fleur de l'âge, parfois par la faute des autres. Mais une autre analogie existe encore, elle est moins évidente cette fois-ci. Par contre, le fait de l'établir formellement dans la pub aurait été hasardeux, et aurait pu rendre le message moins pertinent et direct.
Cette image (voir illustration) rappelle la chanson Candle in de Wind (bougie au vent) de Elton Johns, en hommage à la Princesse Diana, lors de ses funérailles (1997). Les implications des engagements de la princesse sur le plan social constituaient un espoir pour les plus démunis. Le même Elton Johns avait émis une première version de la même chanson (portant le même titre) en hommage à Maryline Monroe (1962). Ces deux jeunes femmes, des icônes et des espoirs à bien des égards, ont trouvé une mort tragique. Elles représentaient des espoirs d'engagement prometteurs et sont toutes deux parties assez jeunes, d'une manière brutale que certains attribueront à leurs liens étroits, plus ou moins fortuits et innocents, avec le pouvoir d'état. Si la disparition de ces figures a eu une magnitude planétaire, elle pourrait proportionnellement ressembler à l'ampleur du désarroi d'une mère qui a perdu son enfant.
Ce sont des analogies bien fortes pour celui qui les établit !!!
Dans un article récent, parlant encore des accidents, j'avais évoqué la richesse des interprétations par rapport à un message. Cette fois-ci, il est question des implications que peuvent prendre en charge l'émetteur d'un message. Toutefois, nous restons toujours dans la richesse de l'interprétation, si les auteurs de la publicité en question n'avaient pas en tête l'analogie que j'ai faite ici.