Ces tuut-tank de la rue...
- Dalla Male Fofana
- 29 avr.
- 3 min de lecture

Les enfants de la rue,
Eléphant in the room,
Ces innocents. J'ai peur
De ce que nos sociétés en font.
D'où viennent-ils? D'où sortent-ils? Qui sont-ils? Où vont-ils? Quelle est la question qui fera un jour "tilt" dans nos têtes?
Leur condition semble être le vil vice de toute grande ville: Bombay, Lima, la Havane, le Caire, Lagos, Karachi, Kinshasa, Luanda, Calcutta, Jakarta. Paris a eu son Gavroche: face de misérable, fils de l'inconnu, dans la Cour des miracles. Zepekenio, au cœur de la Cité de Dieu, dans les abîmes de Rio et Sao Paolo. À Fusée, Petit Dé et tous les autres... On s'enfonce à chercher des excuses.
Pendant ce temps,
Ils étouffent,
Car on est tous,
Coupables.
Qu'on récuse toute réponse qui remette au lendemain ce qu'on peut de nos mains entreprendre aujourd'hui.
Ces "tuut tank" vous prennent par surprise, parfois rencontrés bien tard dans la nuit, ou oh si tôt au lever du jour, à l'heure où les pieds s'enfoncent dans le sable humecté de la rosée du soir.
Sont-ils devenus transparents? Il me semble qu'ils ont une âme. Ils ne sortent pas de terre comme des fleurs, juste ciel! Comme des éphémères qui se libèrent après une pluie subite. Une femme a dû les avoir portés dans son ventre; un homme a pu à un moment subvenir à leurs premiers besoins.
Qu'est-ce qui s'est passé par la suite?
Ils passent inaperçus comme The Invisible Man de H. G. Wells, 1897. Mais leur sort ne doit pas devenir un tabou, qui se nourrit de silence et d'évitement.
Dans mon voisinage, il y a une jeune femme "ju tàggook sagóom"; elle a perdu la raison. Sentinelle du quartier, elle observe immobile, peau brûlée au soleil, la vie défiler devant ses yeux. Elle passe la nuit dehors emmitouflée dans sa couverture reconnaissable à mille lieues. Ma petite fille, terrorisée par sa vue, s'agrippe désespérément à ma jambe, et m'écrase les doigts, chaque fois qu'elle l'aperçoit. Elle, ma fille, se mure pour le moment dans le silence. Je suppose qu'elle cherche encore les vrais mots à utiliser pour demander des justifications. Je fouille, de mon côté, désespérément dans mon esprit qui sèche lui aussi, quoi lui donner comme explication le jour où elle osera, et formulera son énigme.
Les regarde-t-on, ces gens, comme nos enfants, nos frères, sœurs? Les voyons-nous seulement? Nous pourrions alors percevoir au-delà de leur apparente insouciance, un visage, une voix, un regard qui vous prend aux tripes et devient notre compagnon jusque dans les abysses de notre sommeil.
Parfois on en surprend quelques-uns qui semblent s'amuser. Est-ce de la joie? Que peuvent-ils faire d'autres? Sont-ils devenus aphones à force de crier au secours pour secouer les esprits? Ils semblent espérer que lorsque l’écho de leur cri reviendra à leurs oreilles, quelques bribes, éclats d’espoir atterriront dans nos cœurs, attireront notre attention, et attiseront les cendres endormies de notre conscience.
Il faut en parler, poser des maux sur ces réalités. Tel est le premier pas pour les éradiquer.
Tous mes hommages à cette femme, Soxna Aminata Sow Fall, qui envisagea la seule grève, celle des bàttu, qui fasse le bonheur des honnêtes gens, et efface une grande injustice de la surface de la terre.
Mon jeune frère m’a confié être hanté par quelques mots. Lorsqu’une fois, un journaliste demanda à un de ses bouts d'hommes, petits-pieds ce qu'il veut devenir, quand il sera grand.
Il lui a dit avec une voix éraillée :
"suma maggee
Quand je vais grandir,
damaa bëgg a nèkk nit",
J'aimerai devenir un être humain.
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